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Bectance, bouffe, boustifaille, croûte,
brifton, frichti, tambouille, graille...
(rêves)

 

Soupe populaire

 

puce Le pouvoir de rester pauvre
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puce Le sandwich et le philosophe
puce Payer sa nourriture : le rêve !
puce Manger ou bosser, il faut choisir


Reconnaissance préalable

Mourir de faim dans la France d'aujourd'hui n'est pas difficile. C'est même bien plus facile que de découvrir les adresses où il te sera possible de croûter pour pas un rond.

Pourtant, il existe un peu partout des communautés religieuses, des associations et des services municipaux qui distribuent de la nourriture pour pas cher puisque c'est gratuit ou contre une pincée de francs dans le pire des cas. Mais sais-tu où ils sont installés ? Quelles en sont les conditions d'accès ? Les horaires ? Les jours de fermeture ?

Ne t'attends pas à trouver ici une liste exhaustive de ce qui se fait de mieux dans ta ville. L'important est de savoir qu'il existe toujours une solution. Pour la connaître, il suffit de demander.

« ...si tu n'as pas admis une bonne fois pour toutes que tu es un pauvre, un miséreux, un indigent, un assisté... »

A qui ? Bin tiens, à ceux qui savent, gros bêta. Non, pas aux services sociaux qui sont rarement au courant des dernières innovations, mais à tes collègues de misère, ceux que tu finis par connaître à force de les croiser tout au long des bureaux que tu visites régulièrement.

Pour que cette page puisse t'être d'une quelconque utilité, il faut d'abord vérifier que tu es apte à en profiter. Pas la peine de perdre ton temps si tu n'as pas admis une bonne fois pour toutes que tu es un pauvre, un miséreux, un indigent, un assisté incapable de subvenir par lui-même à ses besoins les plus élémentaires.

Il faut aussi que tu aies fait le deuil de quelques illusions : la distribution de nourriture, gratuite ou pour le franc symbolique, n'est pas destinée à te sortir de la misère mais à te permettre d'y vivre. C'est d'ailleurs une constante que tu retrouveras dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la distribution de vêtements, de l'octroi d'allocations diverses ou de la mise à disposition de services destinés à te maintenir relativement propre ou en bonne santé. Le chapitre sur la réinsertion devrait te convaincre s'il te reste un doute là-dessus.

Mais supposons que tu sois lucide et revenons à nos gamelles.

 

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Manger à sa faim n'est pas à la portée de n'importe qui

Te voilà donc en possession d'une adresse où tu pourras obtenir de quoi manger. Probable que celui qui t'a renseigné te servira aussi de guide. C'est qu'il vaut mieux être accompagné pour la première. Suis la manoeuvre et surtout ne réfléchis pas, cela t'évitera de paniquer au dernier moment. Quand il faut tendre la main.

Parce qu'on a beau dire, ce n'est pas si facile que ça de tendre la main. Surtout pour obtenir quelque chose d'aussi chargé de symbole que la nourriture. Celui qui n'est même pas capable d'assurer sa gamelle n'est pas un Homme. Pas même un animal. Il n'est rien. A la rigueur un parasite, ou de la vermine, s'il faut vraiment mettre un nom sur la chose.

La mémoire ancestrale n'est peut-être qu'une hypothèse de travail, mais le fait est que toute vie sur cette vieille terre est d'abord une lutte pour la gamelle. De la bactérie originelle à Céline Dion : même combat !

« Suis la manoeuvre et surtout ne réfléchis pas, cela t'évitera de paniquer au dernier moment. Quand il faut tendre la main »

Si la perpétuation de l'espèce est le but à atteindre, l'alimentation est le moyen obligé pour y parvenir. La condition sine qua non. Toute civilisation est construite sur la capacité de l'individu à assurer sa tartine.

Tu ne t'attendais pas à être entraîné si loin pour une histoire de sandwich, hein ? C'est pourtant un banal problème de bouffe qui est le plus souvent à l'origine de la disparition des nombreuses espèces qui ont précédé l'avènement du clochard urbain. On hésite un peu à tendre la main devant toute cette multitude...

Pourtant, tu la tends, cette main. Et une bonne soeur ou un bénévole y colle de quoi bouffer. Les yeux à ras de terre, tu files vite fait dans un coin tranquille pour bâfrer comme un porc. Gaffe quand même. Si tu restes trop longtemps sans manger tes glandes salivaires se mettent en chômage technique et la reprise est effroyablement douloureuse.

Les premiers casse-croûte sont engloutis en quelques secondes, que tu savais pas qu'on pouvait avaler si vite. Chaque miette est soigneusement picorée, tant pis pour les piafs et les pigeons réunis en cercle autour de toi. Ensuite, cela se calme à mesure que tu acquiers la certitude que la nourriture est assurée et tu partages volontiers avec les moineaux.

 

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On ne pense jamais à tout

La règle générale qui préside à ces distributions de sandwich est qu'il vaut mieux avoir une passion pour le pâté de foie et être amoureux de la Vache qui rit (marque déposée). Parce que tu n'as pas fini d'en bouffer... Mais, entre nous, crois-tu être en position de critiquer le menu, hum ? Non ? Alors mange et tais-toi. Si tu es sage, tu seras parfois récompensé d'un yaourt ou d'une pomme. Pour la petite cuillère tu te débrouilles et pour le couteau, il y a longtemps que tu devrais en avoir un au fond de ta poche si tu veux passer pour un pro.

Pendant que tu digères confortablement vautré sur un banc public, profites-en pour réfléchir au pourquoi du comment de ces distributions de casse-croûte. Est-ce que quelqu'un t'a demandé quelque chose avant de cloquer le bout de pain dans ta main tendue ? Non. Et cela te paraît normal dans notre douce société mercantile ? Ce pain et ce qu'il contient, il a bien fallu que quelqu'un le paie, puisque payer n'est pas ce que tu réussis le mieux. Ils l'auraient fait pour ta belle gueule ?

A moins que tu ne considères comme normal qu'on te nourrisse gratuitement à rien foutre. Si c'est le cas, dégage de ce site et n'y remets jamais les pieds, tu ne comprends vraiment rien à l'exclusion.

« il n'est pas impossible que par la suite tu sois tenté de penser qu'on devrait peut-être te remercier d'être affamé »

Mais non, en vérité tu es vaguement conscient que cette Vache qui rit quotidienne, tu lui dois une fière chandelle. Et de la chandelle au cierge, ce n'est qu'une question de taille. Comme quoi, la taille, quoi qu'on dise...

Saillie un tantinet déplacée puisque tu as deviné de quoi nous allons nous entretenir maintenant. C'est que presque toutes les distributions de casse-croûte sont assurées par des bonnes soeurs ou, en cas de pénurie locale, par des associations de bénévoles motivés par des principes religieux. Ne commence pas à lever les bras au ciel, personne ne te demande de signer quoi que ce soit, et pratiquement toutes les religions sont présentes sur le terrain de l'entraide alimentaire dans un sain oecuménisme.

Toutes ont intégré l'idée que l'assistance au plus fragile était une façon de se grandir, ou de se purifier, voire carrément une obligation. Au quotidien, c'est souvent moins net, mais dans l'ensemble ça fonctionne, heureusement pour toi. Parfois, quand au lieu d'un sandwich on te donne un vrai repas chaud, on te demande de respecter un bref instant de silence ou de chant avant de te remplir la panse, mais c'est bien le bout du monde et cela ne t'engage à rien.

N'oublie pas que bouffer du curé ne nourrit pas son homme. Quand tu es à ce point dans la détresse que tu es réduit à demander l'aumône d'une Vache qui rit, tu l'acceptes. Sans faire de commentaire même si tu n'en penses pas moins à propos des motivations de ceux qui te nourrissent et du sens profond de leur geste. Dans cette histoire, le concret c'est la bouffe que tu as dans le ventre.

Reste que si au début tu as envie de remercier la main qui te nourrit, il n'est pas impossible que par la suite tu sois tenté de penser qu'on devrait peut-être te remercier d'être affamé. Mais nous nous écartons peut-être du sujet (lire le courrier de Jean-Pierre "Monaco").

 

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Exige de payer ta ration de soupe, c'est un acte libérateur

Lorsque ce n'est pas l'un des dieux qui t'engraisse c'est le service public, qui ne leur cède en rien à propos d'obscures motivations.

Dans quelques grandes villes, tu trouveras des restaurants municipaux ouverts aux plus pauvres. Prévus à l'origine pour les ouvriers que 12 heures de travail n'arrivaient pas à nourrir suffisamment pour rester productifs, ils ont, depuis l'avènement du chômage de masse, renouvelé leur clientèle.

L'accès y est beaucoup plus compliqué, administration oblige. Il faut prendre rendez-vous avec une assistante sociale qui te délivrera, peut-être, une carte valable pour un nombre précis de repas.

« un repas complet, chaud, établi par des nutritionnistes, c'est quand même autre chose qu'un bout de pain grignoté sur un banc »

Selon tes qualités de négociateur, ce sera soit gratuit soit payant et pour une semaine déjeuner seulement ou pour un mois midi et soir. Avec un peu de pratique tu arriveras facilement à manger chaud midi et soir pour pas cher.

Si le sandwich à la Vache qui rit est identique de Nice à Dunkerque, c'est une autre chanson pour les restaurants municipaux. Mais dans l'ensemble les cuisiniers font du bon boulot, parfois même des miracles qu'on n'attendait pas de ce côté de la frontière état/église. Et un repas complet, chaud, établi par des nutritionnistes, c'est quand même autre chose qu'un bout de pain grignoté sur un banc. Passer du casse-croûte au repas équilibré, c'est un bond en avant dans ta carrière d'exclu, ne laisse pas passer ta chance.

La gratuité de ces repas est quasi assurée pendant les premières semaines. Ensuite, ton assistante sociale deviendra plus difficile à endormir. Admets qu'elle a de solides arguments. Tu touches maintenant ton RMI régulièrement, tu es informé de tous les services mis à ta disposition pour te faciliter l'exclusion, probable que tu es casé dans un foyer ou peut-être en appart de transition. Bref, c'est maintenant donnant donnant. La collectivité t'aide, à toi de participer concrètement. Dans ce bas monde, concret s'écrit en Euros (on en trouve encore en francs français, mais l'auteur anticipe pour ne pas avoir à y revenir).

Un beau jour, c'est le clash : pas de carte gratuite. Tu paies ou tu retournes à ton pâté de foie. Bon. Sois beau joueur et, après un dernier baroud d'honneur, renseigne-toi sur les tarifs. Dans le pire des cas, on te demandera de payer les 3/4 du prix de revient de la marchandise que tu as dans l'assiette. Soit de un euro à un euro et quelque (de 6 à 9 francs maxi). Soit pour quatre semaines de six jours la somme de 55 Euros (360 balles). Il faut rajouter tes p'tits déj et du raisonnable pour le dimanche et tu t'en tires pour 90 Euros/mois (600 frs) de nourriture si tu ne picoles pas.

Si tu te fais ta bouffe toi-même à coup de boites de cassoulets, tu t'en tires au mieux pour 150 Euros (1000 balles) pour un régime gravement déséquilibré. Plus le gaz. Moins la santé. C'est toi qui vois. Sans compter que manger seul face à sa casserole de fayots, c'est mauvais pour le moral et ça invite fortement à la picole.

 

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Range tes priorités dans le bon ordre

Si tu as réussi à te trouver un appart, tu peux avoir intérêt à te faire connaître des Restos du coeur. Si ton budget est limite, ne te prive surtout pas de cette possibilité au nom de je ne sais quelle pudeur, timidité ou autre honte franchement déplacée. Dans l'exclusion comme partout, il y a des priorités à respecter. En premier, la nourriture. Ensuite le logement. Après, tout le reste que tu ranges dans l'ordre que tu veux. Oui, oui, l'argent fait partie du reste. Il faut d'abord manger à sa faim avant de pouvoir prétendre gagner assez d'argent pour manger !

Si tu as des problèmes de malnutrition, et ça s'attrape vite, pas la peine de perdre ton temps à penser au boulot. Tu ne tiendrais pas le coup. Tous ceux qui te disent que tu ferais mieux de chercher du travail plutôt que de tendre la main sont des cons finis.

« Il faut d'abord manger à sa faim avant de pouvoir prétendre gagner assez d'argent pour manger ! »

Dans le monde d'aujourd'hui, le plus petit travail justifiant un salaire même minimum présuppose que tu as le ventre plein.

Bien sûr, le journaliste écrivant un article sur le manque d'entrain du RMIste vis-à-vis de l'ANPE sait ce que c'est que manger un sandwich sur le pouce. Il oublie seulement qu'en rentrant chez lui, il se met les pieds sous la table en salivant à l'idée de ce que bobonne lui a mijoté de bon. Les dégâts qu'une alimentation insuffisante provoque sont largement sous-estimés, voire méconnus, dans nos pays riches en graisses superflues.

Couche dehors si tu ne peux pas faire autrement, mais essaie de manger chaud et équilibré. Tu as l'impression qu'on prend le problème à l'envers ? Pfuu, t'es long à percuter, toi... Ce site est destiné à faire de toi un exclu pour longtemps. Le ventre vide ou gonflé à l'alcool pour l'oublier fait chuter ton espérance de vie dans des proportions déraisonnables.

A quoi bon vouloir être exclu si c'est pour crever avant la fin de l'histoire ?

 



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