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Celui qui peut, agit.
Celui qui ne peut pas, enseigne.
(George Bernard Shaw)
Educateurs sociaux
Extrémistes
Idéalistes
Naïfs
Apprentis
Hypocrites
Vestiges de l'époque où le pays était à la botte d'ex Mao, les éducateurs sont parmi nous, sauras-tu les reconnaître ? Toute ressemblance avec ce que l'on croit savoir des camps spéciaux chinois ou soviétiques ne peut être que fortuite (1). Si tu te retrouves aux mains des éducateurs, c'est que d'une manière ou d'une autre tu as manqué à tes obligations d'homo societus. Quelles obligations ? Ce n'est pas la question, le problème étant le manquement que l'éducateur se chargera de corriger.
Laissons la société se défausser de ceux qu'elle renie sur des exaltés et voyons plutôt la conduite à tenir si jamais tu tombais entre leurs griffes. Si tu as eu la chance de grandir dans quelque banlieue bien craignos, tu auras déjà croisé des animateurs de quartier, version light des éducateurs purs et durs.
« Vestiges de l'époque où le pays était à la botte d'ex Mao, les éducateurs sont parmi nous, sauras-tu les reconnaître ? » |
Heureusement, pour l'apprenti exclu le premier contact se fait généralement dans un CHRS (2), mais il est aussi possible qu'une assistante sociale t'en colle un d'office sur le dos. Premier conseil, évite l'affrontement d'entrée. Ils ont certes des pouvoirs limités, mais ces pouvoirs sont tous de nuisances. Toute ta stratégie consistera donc à naviguer au plus près entre compromis et compromission.
Dès ton inscription dans un foyer, on désigne un volontaire qui te prendra en charge. Tu sais ainsi à quoi t'en tenir sur l'intérêt qu'il pourra te porter. En face de toi, tu as maintenant quelqu'un qui va tout faire pour te manipuler sans que tu t'en aperçoives. Son but est de t'imposer des règles de comportement qui te rendent acceptable par la société. Sa méthode est de t'amener à croire que tu as trouvé tout seul ce que tu es en train de penser. Ses outils sont le manuel et les réunions de travail (entre éducateurs, bien sûr).
Méfie-toi, ces jeunots viennent de passer des années à jouer avec les mots, alors toi qui viens tout juste de réapprendre à parler tu ferais mieux de refuser le duel verbal. Convaincu que la moquette était grise en entrant, tu ressortirais du bureau prêt à jurer qu'elle est bleue.
Les premiers contacts sont généralement excellents, l'éducateur ayant pour ambition de te mettre dans sa poche. Tu peux alors tout lui demander, il se mettra en quatre (chiffre non vérifié) pour te satisfaire. Il faut donc toujours prévoir quelque chose à demander, ce qui est facile dans ta situation. Outre les problèmes de paperasse administrative et autres ardoises SNCF, profites-en pour te refaire une santé. Des soins dentaires, une remise à jour de tes vaccins feront un excellent effet sur ta volonté de réinsertion : un exclu qui prend conscience de son corps est à moitié sauvé, d'après le manuel.
Mais très vite la pression commence à monter. Ton éduc te demande, gentiment au début, des comptes sur l'emploi du temps de tes journées puis sur ce que tu vas faire le lendemain. Passer du rythme de vie de l'exclu moyen à celui d'éduqué de frais aura vite fait de t'essouffler.
« Passer du rythme de vie de l'exclu moyen à celui d'éduqué de frais aura vite fait de t'essouffler » |
Avant d'en arriver là, tu auras eu le temps de voir comment fonctionne l'éducation sociale. Très tôt on t'apprend l'importance de l'apparence. Ca va des fringues à la tignasse en passant par le savon et le langage. Sur ces points, ils n'ont pas forcément tort, encore qu'il y ait des limites à la soumission au modèle imposé. Le gros morceau concerne tout ce qui a trait au comportement avec autrui. En quelques semaines, 2 maximum, tu dois être capable de te tenir en toutes circonstances comme un bon fils de bonne famille. A la moindre erreur, la réprimande est cinglante.
Les premières leçons sont destinées à te faire prendre conscience que tu es inadapté et que tu as besoin d'être revu et corrigé. Par principe, il ne saurait être question que la société puisse avoir quelques bavures mal ébarbées.
Une fois que tu sauras dire "Bonjour Monsieur" et "Oui Chef" sans bafouiller, on pourra commencer à travailler sérieusement à ton avenir. Le travail salarié est considéré comme une obligation et tu n'as pas fini de courir d'ANPE en réunions d'information, sans compter les évaluations et les rédactions de CV. Remarque qu'un CV d'exclu, ça vaut le coup d'oeil ! Avec ça en poche plus une domiciliation dans un foyer, tu pars gagnant dans la course à l'emploi...
Tout ce qui concerne le travail n'est qu'indirectement pris en charge par l'éducateur. Forcément, qu'est-ce qu'il y connaît du marché du travail, cet étudiant attardé ? Mais cela ne l'empêche apparemment pas d'être compétent pour juger de la réalité et de la qualité de tes efforts et tu dois lui rendre compte de la moindre de tes démarches. Et tu auras beau faire, il trouvera quand même que tu n'en fais pas assez. C'est pour te mo-ti-ver !
Durant toute cette période, il ne sera jamais question de ton passé de galérien. Tu dois penser et agir comme si tu avais définitivement tourné la page. Et n'avoir aucune séquelle... C'est vrai, quoi, pourquoi toujours remettre le passé sur le tapis, il faut se tourner vers l'avenir, que diable !
Ces éducateurs, qui prétendent t'apprendre à vivre, n'ont aucune idée de ce qu'est l'exclusion au quotidien. Leurs années d'études ne sont d'aucune utilité puisque personne n'a jamais étudié autre chose que du bavardage d'experts autoproclamés ou des "situations" venant d'autres éducateurs. Les heures qu'ils passent à discuter entre eux des "cas à leur charge" peuvent être méchamment instructives si tu as l'occasion d'oublier un dictaphone dans le bureau (évidemment que ça ne se fait pas un coup pareil...).
Mais bon, tu n'es pas là pour remettre les éducateurs dans le droit chemin. Pour te changer les idées, jette donc un coup d'oeil à tes co-éduqués. Trois populations se côtoient sans se fréquenter pour autant dans les foyers. Une grosse part de jeunes souvent très agressifs. Ne juge pas, de nos jours il est plus facile d'avoir 40 ans plutôt que 20.
« dans l'ensemble les pensionnaires ne sont pas des cadeaux. Quelle solution verrais-tu : tous les abattre ? » |
Dans le chapitre sur l'asile, il est mentionné que les CHRS sont les endroits où tu rencontres le plus de violence. Rassure-toi, elle n'est pas le fait des éducateurs. Pas directement, en tout cas. Disons qu'ils ont seulement une certaine tolérance (accoutumance ?) devant les bagarres et les chaises qui volent bas en salle télé ou au réfectoire. Reconnaissons aussi que dans l'ensemble les pensionnaires ne sont pas des cadeaux. Quelle solution verrais-tu : tous les abattre ? Heu..., aurais-tu oublié que tu fais aussi partie des pensionnaires ?
Qui donc es-tu pour juger ? Si tu crains trop pour ton scalp, il suffit de reprendre tes billes et de tailler la route. Le monde de l'exclusion ne recrute pas uniquement chez les enfants de coeur, tu es bien placé pour le savoir, hein. Et peut-être la révolte des jeunes n'est-elle insupportable que parce que tu as passé l'âge. Tout cela pour dire que les problèmes rencontrés avec les éducateurs ne viennent pas tous des éducateurs. Se faire jeter par la société donne rapidement envie de casser quelque chose. Serait d'ailleurs bien étonnant que tu n'aies pas toi aussi, certain jour, fondu quelque fusible...
Pourquoi, dans ces conditions, être aussi critique envers ces pauvres éducateurs ? Parce qu'ils font plus de dégâts que de bien, quelle que soit leur bonne volonté. Leur métier est un piège. La société les paie pour ne pas voir les types dans ton genre traîner dans ses pattes. Ce qui se passe entre éducateurs et éduqués, elle ne veut surtout pas en entendre parler. Vu de ta fenêtre, les éducs personnifient la frontière qui te sépare de la société. La zone d'affrontement, si tu préfères.
Quel est donc cet endoctrinement auquel tu vas te voir soumis si tu t'approches trop des éducateurs ? Il s'agit de considérer tout ce qui ne correspond pas à la norme ISO Français Exemplaire comme des défauts de fabrication à corriger.
« Une façon détournée d'admettre qu'il manque des pages dans le manuel du parfait petit éducateur ? » |
L'éducateur, encore qu'il en soit rarement conscient, est clairement engagé du côté du manche. D'où l'exacerbation des conflits avec les éducables. A noter cependant qu'ils commencent à utiliser des jeunes "en situation de réinsertion" comme ouvre-boites pour amorcer le dialogue avec les plus réfractaires à la rééducation. Une façon détournée d'admettre qu'il manque des pages dans le manuel du parfait petit éducateur ?
Il y a peu d'éducs âgés. A part ceux qui s'espèrent destinés à devenir directeur de quelque chose, ils abandonnent le métier de bonne heure. Peut-être par lucidité, peut-être par usure. C'est aussi bien comme ça, ils font un boulot tuant.
Pour ton plus grand bien, l'éducateur en viendra vite à te demander de payer ta quote-part à la bonne marche de l'établissement. Excellente leçon en effet que de réapprendre que tout se paie. Y compris l'hébergement gratuit. Ce n'est quand même pas pour tes beaux yeux que les éducs se démènent pour te faire obtenir des aides de toutes sortes. Un séjour en CHRS est la façon la plus efficace de monter un dossier RMI. Des expériences sur le terrain ont ainsi montré qu'entre le dépôt du dossier et le premier versement de la CAF 15 jours étaient amplement suffisant en plein mois de juillet malgré une fête nationale intempestive.
Faire tourner un foyer coûte cher et l'administration a bien d'autres dépenses à fouetter. Puisque tu touches le RMI ou que tu suis un stage rémunéré, il est temps de te réhabituer à gérer ton argent. Gérer veut dire dépenser intelligemment. Par exemple en payant un loyer. Imparable.
Payer pour son hébergement n'a rien de choquant, au contraire même, dès l'instant où tu as des revenus, ne serait-ce que le RMI. Le tout est de savoir combien on va te ponctionner. Et là, ça peut devenir pénible.
« Excellente leçon en effet que de réapprendre que tout se paie. Y compris l'hébergement gratuit » |
Il faudrait peut-être aussi vérifier la qualité de ce que tu paies. Pieuter dans une chambre commune de deux ou trois lits, partager chiotte et douche avec certains désolants, respecter des horaires rigoureux, subir une promiscuité continuelle et agressive, n'avoir aucune possibilité de personnaliser son environnement au-delà de sa table de chevet, devoir en permanence rendre compte du moindre de ses faits et gestes, ça vaut 800 balles ?
Parce que si tu comptes bien, 800 balles pour être nourri/logé c'est certes une bonne affaire, mais un foyer n'est pas un service hôtelier. C'est un espace qui doit te faciliter une hypothétique réinsertion. Or, en te bouffant les économies que tu pourrais faire, il t'oblige à passer encore et toujours par l'aide sociale si l'envie te prenait de vouloir louer un appartement : pour payer la caution, tu serais obligé de quémander un don ou un prêt du Fond de Solidarité Logement.
En gros, l'argent que tu donnes au foyer, tu le récupérerais d'une autre caisse. Tout bénèf ? Eh non, car cela signifie que tu restes dépendant du bon vouloir des bureaux d'aide sociale et de la générosité des contribuables.
Décidément, tu seras toujours un assisté...
Mizajour février 2002 : histoire de mettre un peu d'ambiance, écoute
un peu ça : " Dune manière générale,
les contacts avec les organismes sociaux diminuent avec la précarité
de lhébergement, les personnes sans domicile peuvent
ne plus être en contact avec les organismes sociaux, en
layant souhaité ou non. Ainsi, un tiers des sans-domicile
hébergés dans les centres avec départ obligatoire
le matin et la moitié des sans-abri nont rencontré
ni assistante sociale ni éducateur au cours des 12 derniers
mois. Les sans-abri qui ont eu un contact avec un travailleur
social nen sont pas nécessairement satisfaits , 36
% se déclarent plutôt mécontents ou très
mécontents (contre 17 % des sans-domicile hébergés)".
On reconnait sans peine dans ce court extrait le style inimitable
des documents
(.pdf, 60 ko) publiés par l'INSEE. Pour le
même prix(57 ko, c'est vraiment donné !), tu peux
utilement charger l'autre
partie de l'enquête.