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Comment faire fort :

Spectacle musical

réalisé par l'Atelier de création

de

l'école de musique de Romainville (93)

 

 

Le responsable d'un "atelier de création" demandait récemment l'autorisation d'utiliser des extraits de ce site pour un spectacle. Eh les gars, ma vie n'a rien d'une oeuvre d'art ! Chacun fait donc ce qu'il veut avec ce qu'il trouve ici. Tout ce que je demande est que soit indiquée l'origine des extraits et, l'époque étant ce qu'elle est, qu'on évite de se faire du fric sur mon dos.

Sur ce coup-là, pourtant, je me suis fais avoir.

Je l'ai quand même senti venir, et j'ai donc fait le déplacement malgré l'interdiction formelle de mon banquier. Pas de remords, j'en ai eu pour mon pognon. Commentaires d'un spectateur anonyme :

Ce soir là , le Palais des Fêtes (1) de Romainville était facile à trouver : des musicos faisaient la manche sur le trottoir devant l'entrée. Coup de bol, il y a peu de cravates dans le public et tu passes inaperçu. L'Ecole de Musique ayant une certaine réputation, il faut rajouter des chaises. Les retardataires s'assoient par terre ou plantonnent le long des murs.

Les musicien(ne)s sont jeunes, école oblige. Ca va quand même de 8/10 ans à un certain âge que la politesse interdit d'évaluer. Ici, le conflit des générations fait bien rigoler.

Tu étais averti par l'affiche que la salle ne ressemblerait pas exactement à une salle de concert. Etait en effet annoncée une distribution de soupe gratuite ! La salle est donc amménagée en réfectoire de style asile de nuit fin de XXème siècle... Normal, l'Opéra de Quat' Sous s'appellait l'Opéra des Gueux avant que Brecht ne s'y colle. Pendant que tout se met en place, tu as juste le temps de lire un petit document que m'avait fait parvenir le responsable du spectacle.

Et c'est parti pour de bon. Alternance de musique de Kurt Weill et de lecture d'extraits de ce site. Et ça cartonne...

Tu sens qu'il est en train de se passer quelque chose. Les musicien(ne)s ont assimilé le sujet et parviennent à l'exprimer à travers leurs instruments. Même les plus jeunes ont tout compris et le font savoir.

D'une école de musique, on attend que ses membres jouent bien. Objectif atteint. D'un atelier de création, on attend un "supplément d'âme". Là aussi c'est gagné. Et de quelle manière !

Les applaudissements dépassent de loin le politiquement correct. L'atelier de création de l'école de musique de Romainville vient de faire une petite démonstration : si tout le monde accepte de bien vouloir tirer dans le même sens, le résultat dépasse les prévisions. L'Opéra de Quat' Sous est une musique "populaire", donc très facile à rater. L'interprétation qui en a été donnée ce soir là pourrait servir de référence à bien des formations plus aguerries...

Mais il y a autre chose à dire à propos de cette soirée. Qui concerne intimement l'auteur de ce site. Obligé, de ce fait, de laisser tomber le tutoiement protecteur.

Certes, j'étais averti que des extraits de mon site seraient utilisés. Mais j'avais pris ça un peu à la rigolade, quelques phrases tout au plus. De là à penser que Brecht passerait presque entièrement à la trappe... Bien la peine que je potasse le livret de l'Opéra de Quat' Sous en catastrophe, pour ne pas avoir l'air trop ignare...

Autant te dire qu'assister à la lecture de ce que j'ai écrit devant plusieurs centaines de personnes (300, 400 ?), ça ne laisse pas indifférent. Constater que les musicien(ne)s s'étaient nourris de mes mots pour rajouter du sens à leur interpétation, ça fait aussi réfléchir.

Alors je suis revenu à Bertolt Brecht. Ou plutôt à John Gay, qui a écrit l'Opéra du Gueux en 1728. 1728 ! Comment se fait-il que le livret de Gay reste à ce point actuel ? Qui, aujourd'hui, écrit avec autant de pertinence ?

La critique sociale aurait changé de format ? Aujourd'hui, ce serait Noir Désir, les Têtes Raides,... ? Les rappeurs ? Voire Coluche, Bedos,... ? Ou "Catégorie 3.1", spectacle de Lars Norén d'une durée de 7h30, repris récemment aux Amandiers de Nanterre ?

Aujourd'hui, les mots viennent d'ouvrières virées de chez Levis et qui montent sur scène, de chômeurs de la Somme qui mettent eux aussi la dernière main à une pièce de théatre (2), d'exclus qui écrivent un polar à partir d'un atelier d'écriture, des Michelins qui s'expriment sur grand écran, de tous ceux que j'ignore... Et de ce site.

Où sont donc passés les intellos, les créateurs, les artistes ?

La réponse date de 1928 : "Je suis arrivé à la conclusion que si les puissants de la terre sont capables de provoquer la misère, ils sont incapables d'en supporter la vue", in l'Opéra de Quat' Sous, Bertolt Brecht...

Voilà pourquoi un spectacle musical proposé par une école de musique de banlieue se transforme en évènement. Un évènement, d'après mon dico, c'est un fait important.

Ceux qui n'y ont pas assisté ont raté quelque chose. Ils peuvent se rattraper le 18 mai -19h30- à la MJC de Nogent sur Marne pour la version musicale. Ou, pourquoi pas, proposer une salle (voir page courrier)...


(1) : humour municipal ?
(2) : "Mords la main qui te nourrit !", spectacle de Daniel Mermet, Maison de la Culture d'Amiens les 11, 12, 13 et 16 avril 2002 à 20h30

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