puce Le sommaire puce La rue puce La gamelle puce Le toubib puce La réinsertion puce Le courrier
puce La taule puce Le fric puce L'éducateur puce Les comptes puce Les liens
puce L'asile puce Le cul  puce Le test    

1er mai 2002

Election présidentielle "à la con"

 

Deuxième couche

J'avais décidé de voter blanc : aucun des 16 prétendants n'a proposé de projet de société qui me convienne et je ne confie pas mon bulletin de vote à une image médiatique.

Evidemment, je n'avais pas envisagé un deuxième tour Le pen/Chirac. J'ai donc remis en question ma décision. J'ai écouté, lu, regardé, parlé et marché.

"On" a beaucoup parlé de honte (1). Sans trop préciser de quelle honte il s'agissait. De n'avoir pas voté ? D'avoir "mal" voté ? Ou de connaitre des gens qui ont voté Le pen, voire d'avoir soi-même voté extrémiste... Ta honte sent le souffre, camarade. Elle stigmatise l'autre. Elle aggrave le problème.

Pour certains (nombreux), la présence de l'extrême droite au deuxième tour transforme cette élection en référendum. Sauf que. Il s'agit toujours d'une présidentielle, la règle du jeu n'a pas changé en cours de partie. Ton référendum, c'est du phantasme. Ou de la mauvaise conscience. La rue, la presse, les infos, les discussions sont pleines de "NON". Mais la question posée n'est pas oui ou non. C'est Chirac ou Le pen.

Pour d'autres (souvent les mêmes), il s'agirait de noyer l'élection de Chirac dans un score "république bananière" pour en retirer toute signification. Faudrait savoir : le risque Le pen est déjà de nature dictatorial et tu voudrais élire du Chirac à 99% des voix ? Choisi ton maître, esclave ! C'est ça ? Tes subtiles stratégies m'emmerdent.

Il faudrait faire barrage aux idées d'extrême droite ? C'est bien temps d'y penser quand cinq millions de votants viennent de mettre un bulletin Le pen dans l'urne... Cinq millions de fachos ? J'y reviendrais. Cinq millions de français, en tout cas. Ton voisin, forcément. Ou ton collègue. Ou ton frère, va savoir. Mais les urnes ne contiennent pas d'idées, seulement des bulletins de vote.

Et puis, tard le soir, il y a des mots plus rares. L'extrême droite, cela fait 30 ans qu'elle monte. Elle se nourrit des difficultés quotidiennes des individus. Elle prospère sur les peurs qu'elle exploite. Elle grandit sur l'abandon d'une partie de la population par les partis traditionnels. Sur le corporatisme syndical. Elle joue sur l'ignorance. Ces choses-là, immatérielles, je les connais bien. Cela fait 30 ans que je baigne dedans. Je n'y ai pas répondu par le vote FN, mais je comprends. Et je ne condamne pas. Tirer un trait sur 5 millions d'électeurs est une pratique d'extrême droite.

Des électeurs de Le pen, j'en connais quelques-uns. On se traite généreusement de con et c'est très bien comme ça. Démocratique, si tu veux. Si toi tu n'en connais aucun, il est grand temps de te poser des questions.

Il faudrait aussi s'intéresser à ce que je n'ai pas entendu, ou très peu. Qui sont les électeurs de Le pen ? D'abord les chômeurs (à 30%). Ensuite les ouvriers (24%). Puis viennent les intérimaires (20%) et les salariés (19 %). Est-ce assez clair ? Vois-tu qui tu es en train de traiter de facho et de nazi ? Et que fais-tu des chiffres obtenus en additionnant extrême droite et extrême gauche ? Chômeurs à 57 %, ouvriers 45 %, intérimaires 43 % et salariés 35 %. Ca ne te rappelle rien ?
Il y a un dernier point qui fait tâche. Les jeunes de 18 à 24 ans. 22% pour l'extrême droite, 38% en y ajoutant l'extrême gauche (2).

Ne me demande pas d'insulter "ces gens-là".

Enfin, je n'ai rien entendu, mais alors là pas un seul mot, sur la société de consommation qui semble aller de soi pour tout le monde.

 

Je m'en tiendrais donc aux fondamentaux :

   le 5 mai est une élection présidentielle
+ aucun des deux programmes ne me convient
- l'abstention



= un bulletin blanc

Tes propositions ne m'ont pas convaincues. Au deuxième tour, je remet une deuxième couche de blanc. Et j'assume.

Ta cinquième république est morte, tes défilés festifs n'y changeront rien. Je ne sais pas qui a gagné, mais je vois bien qui a perdu. C'est toute l'architecture illusoire de la représentativité du "peuple" qui vient de s'effondrer sous ton nez. En attendant de nouvelles structures, tout va s'exprimer dans le rapport de force individuel.

Un tabou vient d'exploser. On se retrouve avec 5 millions de Le pen lâchés dans les rues. Et ils seront rejoints par tous ceux qui n'ont pas osé voter extrême droite mais qui n'en pensent pas moins.

Dans les jours, les semaines qui viennent, quel que soit le résultat des élections, ceux qui auront voté Le pen vont se mettre à exister concrètement. Au quotidien. Ils ne vont plus se cacher : ils savent maintenant qu'ils représentent une forte proportion de la population et que leur camp grandi. Ca va s'afficher "hard". Dérapages à la clé, forcément. L'opprobre dont ils ont été couverts va te revenir en pleine tête, chaud devant !

Ces élections et les choix des électeurs, je les respectent. Ensuite, je serais attentif à ce qui sera réellement fait. Et s'il le faut, j'en tirerai des conclusions pratiques.

Mais merde ! Il fallait bien que ça pète un jour.

 


(1) : lire un article de Serge Halimi dans l'Homme Moderne.
(2) : d'accord, c'est du sondage "sortie des urnes". Celui-là est un CSA/La Tribune du 23/04/02 ramassé dans une poubelle (bin oui, et alors ?). Un Louis Harris/Libé/AOL (!) à la même date donne des chiffres différents mais le classement reste le même. J'ai donc choisi celui qui collait le mieux à ce que je pense ;o)

haut